dimanche 24 février 2013

La politique monétaire selon Ron Paul



La politique monétaire ("Monetary Policy", Liberty Defined, Ron Paul, 2011)
Traduction Thierry Falissard

J'ai déjà écrit en détail[1] sur les inconvénients et les graves dangers liés à une banque centrale échappant à tout contrôle − la Réserve fédérale mais l'argument doit être repris dans toutes les discussions de politique publique. Tous les discours sur les dangers de l’omniprésence de l’Etat et sur la perte de nos libertés ne servent à rien si l’on ne tient pas compte de l'impact négatif causé par ceux qui sont chargés de gérer la monnaie. Si l’on évite ce sujet, volontairement ou non, on sert alors les intérêts de ceux qui soutiennent l'expansion de l’assistanat social, et on favorise indirectement le financement de guerres iniques et impopulaires.

Le problème est facile à résumer. La monnaie reposait autrefois sur une marchandise rare comme l'or ou l'argent. Elle ne pouvait pas être fabriquée par le pouvoir. A la fin des XVIIIe et XIXe siècles, il y eut de nombreux débats autour de la First Bank [fondée par le Congrès en 1791] et de la Second Bank [fondée en 1816]. En 1913, le Congrès a créé la Réserve fédérale et lui a accordé le pouvoir d'imprimer de la monnaie. Cela a permis à l’Etat de subventionner les guerres et l’assistanat social, mais cela a aussi généré une instabilité économique avec des phases d’expansion et de récession. Chaque fois que nous avons traversé ces péripéties, le gouvernement et la Fed ont davantage sapé le support monétaire du dollar. Depuis 1971, le dollar n'est plus remboursable en quoi que ce soit, si ce n’est en lui-même. Ce n'est rien qu’un symbole, et il n'y a aucune limite au nombre de dollars que le pouvoir et la Fed peuvent créer. Le résultat a été une expansion incontrôlée de l’appareil d'Etat et une inflation brutale et durable qui a réduit notre niveau de vie sans que nous nous en rendions compte.

Jusqu'à ces dernières années, le nombre d'Américains qui comprenaient les dangers de cette politique de destruction monétaire était très limité. La plupart des Américains acceptent ce qu'on leur a inculqué pendant des décennies, et croient que la Réserve fédérale fournit l'ultime filet de protection pour tout le monde : pour les banquiers, la finance, les investisseurs, les entreprises, les salariés, les consommateurs, et tous les autres. La plupart des gens croient que la Fed est là pour nous tirer d’embarras face à un excès d'inflation, de récession ou des taux d'intérêt trop élevés.

On appelait Alan Greenspan le Maestro, on le saluait comme le génie qui avait la touche magique et qui pouvait régler avec précision l'économie pour la faire passer dans une nouvelle ère. L’instauration de la Fed comme prêteur de dernier ressort, capable également d’accorder des facilités de crédit, a massivement encouragé les investissements injustifiés et l’endettement excessif. La taille gigantesque du marché des dérivésune crise qui n’est pas encore résolue à ce jour − n'aurait pas été possible sans la Réserve fédérale et sans l’aléa moral que ses politiques génèrent. La Fed aurait dû être mise en cause pour la plupart de nos problèmes économiques plutôt que créditée pour en fournir la solution.

Les lois et les réglementations ont ajouté de l'huile sur le feu des excès spéculatifs, en particulier dans les dérivés de prêts hypothécaires. Les keynésiens ont encouragé tout le monde à faire confiance au filet de sécurité de la dépense étatique et au crédit facile ouvert par la Réserve fédérale. Cette confiance mal placée, fondée sur de fausses prémisses, a généré, à mon avis, la plus grosse bulle financière de toute l'histoire.

Par le passé, la Fed a pu prétendre favoriser les bonnes périodes économiques et remédier aux mauvaises. Mais elle ne pourra plus s’exonérer de sa responsabilité. Le système monétaire actuel garantit que les investisseurs et les banques vont repousser toutes les limites et s’engager dans des décisions spéculatives inconsidérées générant une économie de bulle proche de l’éclatement.

Je suis certain qu’un jour futur les historiens exprimeront un grand étonnement devant certains concepts imbéciles reconnus comme sains pendant tant d'années, avant que survienne l'effondrement actuel. Quelle personne saine d'esprit conseillerait à un membre de sa famille ou à un ami enfoncé dans les dettes jusqu’au cou, et sur ​​le point de perdre sa maison, d'emprunter encore plus d'argent, de le dépenser et de prendre autant de nouvelles cartes de crédit que possible ? C’est ridicule. En outre, on lui dit qu'il n'est pas nécessaire de faire des heures supplémentaires ni de trouver un second emploi pour réduire sa dette !

Et pourtant, c'est exactement ce que notre nation a faitet au-delà de toute mesure depuis que la crise a éclaté en 2008. Et les keynésiens sont toujours surpris et agacés de voir que l'économie ne s'est pas rétablie pour autant. Leur réponse continue à être davantage de dépenses, davantage d’emprunts, et un accroissement de la dette encore plus rapide. Il est difficile de croire que des gens raisonnables puissent être persuadés de cela. Si un individu ne se porte pas mieux avec davantage de dette et davantage de dépenses, comment une nation le pourrait-elle ?

Les keynésiens ont perdu le débat intellectuel. Après l'échec total des formes les plus engagées de la planification économique, qui sont le fascisme et le communisme, l'échec dans le monde entier de la planification économique centrale de type keynésien saute aux yeux. Ils n'ont plus qu'une carte à jouer, qui est d’asséner l'argument selon lequel ceux qui s’opposent à leurs programmes de renflouement (qui ne sont rien de plus que des resucées des programmes à l’origine même de la crise) ne se soucient pas des gens et sont dépourvus de toute compassion. Au lieu de débattre des politiques économiques sous-jacentes, ils ont recours à un traitement démagogique de la question avec des insinuations et de fausses accusations.

Les keynésiens et leurs copains politiques à Washington sont prompts à accuser d’insensibilité quiconque s'oppose aux allocations de chômage illimitées. La question qu'ils ne veulent même pas examiner est la suivante : que feraient-ils si on leur démontrait que soutirer des fonds à l'économie productive pour subventionner le chômage n’aboutit qu’à prolonger le chômage et à augmenter le nombre d'emplois perdus ? En retirant des fonds à ceux qui ont de la peine à joindre les deux bouts et à essayer de développer leurs entreprises, on affaiblit l'économie.

Ceux qui refusent de s'engager dans le débat intellectuel et d'examiner les conséquences des idées et des politiques actuelles ont recours à la politisation du sujet, en proposant des programmes de redistribution reposant sur une taxation accrue et sur l'inflation, dans le but de se maintenir au pouvoir. Si ce processus n'est pas inversé, une faillite totale nous obligera à envisager un système complètement nouveau.

J’aimerais que le dollar soit aussi bon que l'or. J’aimerais que le système bancaire fonctionne comme il le ferait en régime de libre entreprise, c’est-à-dire sans banque centrale. J’aimerais que des monnaies compétitives émergent sur le marché et soient autorisées à se développer. J'ai fait pression en ce sens depuis des décennies. Le problème de la transition n'est pas technique. Cela peut très bien se faire. Le problème est politique. Le papier-monnaie est une drogue dure et Washington y est accro. Quelle solution réaliste peut-on proposer ? Comme Hayek avait l'habitude de dire, nous avons besoin d’une latitude de choix en matière de monnaie. Washington devrait arrêter d’y faire obstacle et laisser émerger spontanément un autre système fondé sur les choix humains. Il faudrait pour cela mettre un terme à la répression de la concurrence monétaire. Je suis certain qu’avec le temps nous verrons le dollar supplanté par la concurrence.

·         Hayek, F. A. 2009. Choice in Currency: A Way to Stop Inflation. Auburn, AL: Mises Institute.
·         Paul, Ron. [1982] 2008. The Case for Gold. Auburn, AL: Mises Institute.
·         Rothbard, Murray. [1963] 2008. What Has Government Done to Our Money? Auburn, AL: Mises Institute.




[1] Voir, par exemple, End the Fed (New York: Grand Central Publishing, 2010); The Case for Gold (Washington, DC: Government Printing Office, 1982; Auburn, AL: Mises Institute, 2007).

2 commentaires:

Pierre Chappaz a dit…

Remarquable, merci Thierry pour cette excellente traduction!

Pierre Chappaz a dit…

Remarquable, merci Thierry pour cette excellente traduction!