lundi 8 décembre 2008

Vive l'inflation !

Voilà le genre d'article scandaleux et cynique qui propose de voler tout le monde pour éponger les dettes de quelques uns : L'inflation, un moindre mal.

D'ailleurs son auteur nous prévient dès le début : "Certes, l'inflation est un moyen injuste d'amortir efficacement l'ensemble des dettes non indexées dans l'économie."

Pour l'auteur, l'inflation est le remède à tous les maux actuels de l'économie, car "il est évident que le vide du système financier est trop béant pour être entièrement comblé par l'argent du contribuable".

Et de plus, quelle chance, c'est facile de faire de l'inflation, dit-il ! "Heureusement, il n'est pas si difficile de créer l'inflation. Les banques centrales doivent simplement continuer à imprimer du liquide pour racheter systématiquement la dette gouvernementale."

On aurait bien tort de s'en priver !

Et qui est cet auteur qui préconise la kleptocratie monétaire ? Non, ce n'est pas un gauchiste de base, c'est un étatiste, qui vit ou a vécu de l'argent du contribuable : "Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI, est professeur d'économie et de politiques publiques à l'université Harvard". John Law, de triste mémoire, enseigne à présent à Harvard !

Vite, savourons ensemble cet article surréaliste, avant que les Echos ne l'archivent.
L'inflation, un moindre mal

[ 08/12/08 ]

Certes, l'inflation est un moyen injuste d'amortir efficacement l'ensemble des dettes non indexées dans l'économie. L'inflation des prix force les créanciers à accepter des remboursements dans une monnaie dévaluée. Certes, en principe, il devrait toujours être possible de remédier aux problèmes du système financier sans recourir à l'inflation. Malheureusement, plus on s'intéresse de près aux autres solutions, notamment à l'injection de liquidités dans les banques et aux aides directes aux emprunteurs immobiliers, plus il devient évident que l'inflation serait plus une aide qu'une gêne.

La finance moderne a réussi à créer une dynamique de non-remboursement d'une complexité si stupéfiante qu'elle brave les méthodes habituelles de renégociation des dettes. La titrisation, la gestion structurée et d'autres innovations ont tellement lié les différents acteurs du système financier qu'il est quasi impossible de restructurer une seule institution financière à la fois. Des solutions à l'échelle du système sont donc nécessaires.

A court terme, l'inflation modérée - disons 6 % pour deux ans - n'assainira pas les bilans, toutefois, elle simplifiera nettement les problèmes, en rendant d'autres étapes moins coûteuses et plus efficaces. Certes, dès lors que le génie de l'inflation est libéré de sa lampe, plusieurs années peuvent être nécessaires pour l'y remettre. Personne ne veut revivre les luttes anti-inflation des années 1980 et 1990. Cependant, à moins que les gouvernements ne s'attaquent de front au problème, nous risquons un grave déclin à l'échelle mondiale comme jamais vu depuis des années 1930. La plupart des grandes banques mondiales sont en grande partie insolvables et dépendent d'une aide et de prêts gouvernementaux permanents pour les maintenir à flot. Même si les gouvernements s'efforcent d'éviter une nationalisation absolue des banques, ils seront contraints à procéder à une deuxième et à une troisième recapitalisation.

Quand on voit l'ampleur des problèmes qu'il reste à résoudre, notamment les non-remboursements de plusieurs milliards de milliards de dollars des marchés des « credit default swaps », il est évident que le vide du système financier est trop béant pour être entièrement comblé par l'argent du contribuable.

Il est certain que la solution consiste essentiellement à laisser davantage de banques faire faillite, tout en veillant à ce que les déposants soient intégralement remboursés, mais pas nécessairement les détenteurs de dettes. Or cette solution sera coûteuse et douloureuse.

Cela nous ramène à l'option de l'inflation. En plus, une brève flambée d'inflation modérée réduirait la valeur (ajustée sur l'inflation) de l'immobilier résidentiel et permettrait à ce marché de se stabiliser plus facilement. Sans inflation importante, les prix minimaux de l'immobilier devront probablement chuter de 15 % supplémentaires aux Etats-Unis, et bien plus encore en Espagne, au Royaume-Uni et dans une multitude d'autres pays.

Bien entendu, compte tenu de la récession actuelle, il ne sera pas si simple pour les banques centrales d'atteindre dans l'immédiat une quelconque inflation. Il semblerait que tout ce qu'elles peuvent faire, c'est éviter le maintien d'une déflation ou une chute des prix.

Heureusement, il n'est pas si difficile de créer l'inflation. Les banques centrales doivent simplement continuer à imprimer du liquide pour racheter systématiquement la dette gouvernementale. Le grand risque est de voir l'inflation exploser et atteindre 20 %-30 % au lieu de 5 %-6 %. La peur de commettre une erreur de jugement a paralysé la Banque du Japon durant dix ans. Néanmoins, ce problème peut se régler facilement. Avec une bonne politique de communication, les attentes en matière d'inflation peuvent être maîtrisées et l'inflation diminuée aussi rapidement que nécessaire.

Tous les outils seront utiles pour résoudre ce type de crise financière qui n'arrive qu'une fois par siècle. Dans le contexte d'une éventuelle récession mondiale, craindre l'inflation, c'est comme craindre la rougeole alors qu'on risque surtout d'attraper la peste.

Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI, est professeur d'économie et de politiques publiques à l'université Harvard.

vendredi 14 novembre 2008

Sortir de la crise

Excellentes explications de Georges Lane, professeur à l’Université Paris Dauphine :

Lien direct ici.

vendredi 31 octobre 2008

dimanche 12 octobre 2008

Henry Hazlitt avait prédit la crise des subprimes !

De la même façon que Frédéric Bastiat avait prédit 150 ans auparavant les déboires de la médecine socialisée, dite "sécurité sociale", on peut dire que Henry Hazlitt avait prédit la crise des subprimes 60 ans auparavant.

C'est dans l'indispensable Économie politique en une leçon, chapitre VI ("Le crédit fait dévier la production"). J'ai traduit moi-même le passage, car la traduction qui est sur le site d'Hervé de Quengo est déficiente.

L'argument qui vaut contre les prêts hypothécaires garantis par le gouvernement à des personnes et des entreprises privées est aussi valable que celui qui vaut contre les prêts et hypothèques accordés directement par le gouvernement, même s'il est moins évident.

Les partisans des prêts hypothécaires garantis par le gouvernement oublient également que ce qui est prêté est en fin de compte du capital réel, dont l'offre est limitée, et qu'ils aident un acteur B identifié au détriment d'un acteur A non identifié.

La garantie des prêts hypothécaires par le gouvernement, en particulier quand aucun capital initial n'est requis (ou seulement un capital négligeable), aura pour conséquence des prêts de moins bonne qualité. Elle oblige le contribuable à subventionner de mauvais risques et à couvrir les pertes. Elle encourage les gens à « acheter » des maisons pour lesquelles ils n'ont pas vraiment les moyens. Elle a tendance à susciter à terme une offre excédentaire de logements en comparaison avec d'autres biens. Cela stimule temporairement le bâtiment de façon excessive, augmente le coût de la construction pour tout le monde (y compris les acheteurs de maisons qui bénéficient de la garantie hypothécaire), et dévoie l'industrie du bâtiment dans une expansion qui finira par lui coûter cher. En bref, à long terme, cela n'augmente pas la production nationale de façon globale, mais encourage le mauvais investissement.

vendredi 10 octobre 2008

Le triomphe bien temporaire de l'étatisme

Les antilibéraux de tous bords ont beau jeu de se gausser des marchés et des banques que les états, tels des chevaliers blancs, viennent secourir sans désemparer, rajoutant des liquidités aux liquidités, répétant la faute originelle qui a déclenché la crise, la création monétaire incontrôlée. Les banques centrales ont été et sont bien les destructrices du capitalisme, et Greenspan, le randien traitre à ses convictions par ambition personnelle, son fossoyeur numéro un.

En réalité, les états ne sont rien sans les marchés et les banques, et c'est ce que la prochaine étape dans le déroulement de la crise va montrer. Car les états, et notamment les moins bien gérés et les plus dépensiers (Italie, France, USA) sont déjà ultra-endettés, et constamment en déficit. Où pourront-ils trouver des fonds si ce n'est en s'endettant à nouveau ? Même une amnistie fiscale (suggérée récemment par Accoyer, président de l'Assemblée nationale) n'aurait aucun succès. La course à la liquidité actuelle devrait, dans les mois qui viennent, faire des victimes parmi les états, car les marchés vont privilégier ceux dont la signature semble la meilleure.

La chute des bourses de par le monde n'a rien de surprenant : cela fait peut-être dix ans que les actions sont beaucoup trop chères, à cause de la bulle alimentée par l'argent facile des criminelles banques centrales. Il est temps de revenir aux fondamentaux et d'examiner les PER : le coût d'une action devrait être amorti en dix ans, c'est-à-dire que son cours actuel devrait correspondre aux bénéfices des dix années passées. On en est encore bien loin.

La menace numéro un pour l'épargnant n'est pas la déflation, mais l'hyperinflation qui est historiquement la solution facile à tous les problèmes des cigales hyper-endettées. Avec la baisse des taux d'intérêt, on commence à en prendre le chemin. Seul l'or se dresse contre ce processus, comme le rappelait Greenspan lui-même, avant qu'il tourne mal.

jeudi 2 octobre 2008

Quand le pompier pyromane fait sa pub...

Vous savez ce que je pense des banques centrales. Je suis pour leur disparition et le retour à des banques privées, proposant une monnaie privée qui repose sur des contrats (impliquant ou non des matières premières telles que l'or). A défaut, je suis pour un retour à l'étalon-or pur et dur tel qu'il existait au XIXe siècle.

Voir le principal pompier pyromane (dépassé seulement dans ses exploits par la Fed américaine) s'autocongratuler quant à sa mission de "stabilité des prix" a quelque chose de surréaliste. Sans lui, comment lutterait-on contre les deux monstres (présentés comme tels dans le dessin animé) que sont l'inflation et la déflation ? Heureusement que tout élève attentif des économistes de l'Ecole autrichienne sait que l'inflation est uniquement un phénomène monétaire, et qu'une banque centrale en est la source unique bien davantage que le remède.

A savourer sans retenue... La page sur le site de la BCE est ici.

dimanche 21 septembre 2008

Haro sur le libéralisme !

Autant attendus que consternants les commentaires des ignorants de droite et de gauche sur la crise financière... Ecoutez-les. Quel est donc ce "libéralisme" qui ne peut pas se passer de la main secourable de l'Etat ? Ce marché qui ne s'autorégule pas mais qui, laissé à lui-même, va de désordre en désordre et de déséquilibre en déséquilibre ? Cette privatisation des bénéfices (quand tout va bien) qui aboutit à une collectivisation des pertes (quand tout va mal) ?

En réalité, tout se passe comme l'a déjà décrit mille fois l'Ecole autrichienne d'économie au cours du XXe siècle. La principale cause des désordres financiers est l'ultra-étatisme de tous les dirigeants politiques et de ceux qui dépendent d'eux : le pouvoir aux manettes, démagogique ou gangrené par le crony capitalism ; les banques centrales qui depuis des années ont gonflé sans répit la masse monétaire (le grand coupable est un certain Alan Greenspan) ; les institutions para-étatiques qui ont favorisé des prêts douteux (bonne analyse de Bernard Martoïa sur Fannie et Freddie, bonne série d'articles aussi de Vincent Benard).

Comme en 1929, l'argent facile créé ex nihilo par la banque centrale alimente une série de bulles qui finissent par éclater, car les arbres ne montent pas au ciel, malgré les engrais ultra-dopants fournis par le banquier central. Détruire l'économie d'un pays est très facile : il suffit de détruire sa monnaie. Quel peut-être le résultat de la fuite en avant américaine (un plan de 700 milliards de dollars, portant le plafond de la dette américaine à quelques 11.300 milliards de dollars, d'après le Figaro du 21/9) ? Hyperinflation ou au minimum stagflation à la clé, avec sûrement d'autres faillites majeures inévitables.

Hélas, les pompiers pyromanes ne seront pas accusés - ne remplissent-ils pas une sacro-sainte mission de "service public" ? On sait que "l'argent public finit toujours dans des poches privées". De la même façon, les erreurs publiques coûtent cher au privé, au contribuable, à l'épargnant. C'est trop commode de n'avoir de compte à rendre à personne. Vivement le retour à l'étalon-or ou à la monnaie privée !

vendredi 5 septembre 2008

Publication sur Knol : présentation du libéralisme

Je vais finalement publier sur Knol mon œuvrette sur le libéralisme. Ce sera donc une série d'articles, le premier est paru : libéralisme.

jeudi 26 juin 2008

Jeu de l'été : cherchez la crapule !

Lu sur Capital :

Richard Branson : "Un ministre français m’a réclamé un pot-de-vin d’un million d’euros"

Dans une interview exclusive à paraître dans le numéro de juillet de Capital, Richard Branson, le patron du groupe Virgin, évoque la bataille qu’il a dû mener il y a quinze ans pour obtenir l’ouverture le dimanche du Virgin Megastore des Champs-Elysées. Le milliardaire britannique fait cette confidence étonnante : « Un de vos ministres m’a réclamé à l’époque un pot-de-vin de près d’un million d’euros pour appuyer mon dossier, ce que j’ai refusé. J’ai fait remonter l’histoire en haut lieu. On m’a conseillé de ne pas ébruiter l’affaire et de patienter jusqu’au prochain remaniement ministériel. Quelques mois plus tard, j’obtenais gain de cause. »

Pour mémoire, la ministre du Travail Martine Aubry avait refusé en mai 1992 d’accorder aux magasins vendant des biens culturels le droit d’ouvrir le dimanche. Une décision qui ne faisait pas l’unanimité dans les rangs socialistes où Jack Lang, entre autres, défendait l’option inverse. En mars 1993, la droite remportait les élections législatives et le gouvernement Bérégovoy laissait sa place au gouvernement Balladur. Sous l’égide de Michel Giraud, le nouveau ministre du Travail, une loi votée en décembre 1993 autorisa finalement l’ouverture dominicale des enseignes spécialisées dans la culture.

vendredi 14 mars 2008

Une leçon pour Jérôme Kerviel... et pour les autres

Mon pauvre Jérôme, tu croyais avoir trouvé une "martingale"... Et deviner de quoi allait être fait le futur.

Première erreur ! En matière de finances (comme dans beaucoup d'autres domaines de la vie sociale), il est impossible de prévoir précisément l'avenir. Pourquoi ? Parce qu'il repose sur les décisions individuelles d'une foule de personnes, et que nul ne sait encore lire dans les esprits. Et à supposer que ce soit possible, les esprits ont l'habitude de changer d'avis sans prévenir. Pour comprendre ça, pas besoin de lire von Mises et Hayek, qui en tirent très logiquement la réfutation de la planification étatique.

Supposons quand même que tu sois un génie de la finance capable de voir de quoi demain sera fait. En ce cas, qu'est-ce qui t'empêchait de jouer avec ton propre argent ? Comme disent les Anglo-saxons : "Put Your Money Where Your Mouth Is"...

Mais non, seconde erreur : tu as engagé un argent qui ne t'appartenait pas. C'est l'hubris grecque couplée à la politique du coucou. Jouer avec l'argent des autres, c'est moins risqué que d'engager le sien. Voilà sans doute pourquoi tu taquinais les nombres à 10 ou 11 chiffres, sans en éprouver un vertige excessif.

Il est facile, derrière un écran d'ordinateur, de perdre pied avec la réalité et de sombrer dans la virtualité sans pouvoir s'en extraire.

Troisième erreur : derrière le virtuel, il y a des personnes bien réelles qui avaient mis leur confiance dans la banque, et que ton irresponsabilité a lésées irrémédiablement. Tu as transformé une activité profitable et économiquement justifiable en un jeu de casino. Oh, tu n'as pas voulu faire sauter la banque, et tu n'es peut-être pas le seul à mériter le blâme dans cette histoire. Mais ça fait quand même pas mal d'erreurs pour un joueur de poker.

mardi 29 janvier 2008

"Rogue trader" et SocGen : quelques réponses d'un employé

J'ai entendu tellement de sottises dans les médias que je ne peux m'empêcher, à mon modeste niveau, d'apporter des réponses qui me semblent relever d'un élémentaire bon sens (faute d'une compétence que je n'ai d'ailleurs pas). Je précise que je ne parle qu'en mon nom propre et que les supputations et les erreurs possibles sont de mon fait.

- Pourquoi la Socgen a-t-elle "dénoué" si vite les positions du "rogue trader", alors qu'elles auraient pu être bénéficiaires si on avait attendu un peu ?

Si un jour vous rentriez chez vous et que vous vous rendiez compte qu'une personne de votre famille en qui vous aviez confiance avait hypothéqué tous vos biens (et au-delà) pour aller jouer votre patrimoine au casino, que feriez-vous ? Vous essayeriez de la stopper dans son élan, ou vous croiseriez les doigts en espérant qu'elle gagne ?

- Les sommes perdues correspondraient à "55.000 logements sociaux et 300 collèges" (d'après PPDA, rapporté par Christophe Ginisty).

La démagogie a des limites, même en France. Faut-il signaler que cet argent n'est pas de l'argent public ? Ce n'est d'ailleurs pas non plus l'argent des clients, qui n'ont rien perdu dans l'histoire. Le seul perdant éventuel est le propriétaire, c'est à dire l'actionnaire.

- Pourquoi plusieurs hommes politiques appellent-ils à la démission du PDG ?

Bonne question à laquelle je n'ai pas de réponse. Cela ressemble à une intrusion dans une affaire privée. Peut-être faudrait-il leur signaler que la SocGen a été privatisée en 1987...

- L'ex-trader "a suggéré que sa hiérarchie était au courant de l'importance des sommes qu'il avait engagées" (d'après Mediapart, rapporté par TF1).

Mais alors pourquoi a-t-il dissimulé ses prises de position et "emprunté les mots de passe informatiques de certains collègues et créé de faux mails confirmant des opérations fictives" ? (d'après le Figaro). Si sa hiérarchie était au courant, il aurait pu agir ouvertement.

samedi 26 janvier 2008

Société Générale : le point de vue d'un employé

La vocation d'origine de ce blog n'était pas de commenter les événements français, mais je me sens obligé de parler un minimum des faits récents. Je ne garantis pas que cela se renouvellera.

Je travaille à la Société Générale depuis 2001, c'est-à-dire depuis à peine moins longtemps que "l'homme qui valait 5 milliards", Jérôme Kerviel, que je ne connaissais pas, et qui a mis la banque dans les embarras que l'on sait, selon ce qui a été rapporté et dont je n'ai pas de raison de douter (les théories du complot ont leurs limites, même si elles peuvent faire vendre beaucoup de papier). Notons que son nom n'aurait sans doute pas dû être mentionné (je crois qu'il y a eu une fuite - difficilement évitable - dans la presse), la présomption d'innocence devant s'appliquer.

En tant qu'employé, je n'ai en fait pas grand chose à dire - d'ailleurs j'ai un devoir de réserve, tant contractuel que déontologique (appelons ça l'éthique personnelle et le minimum de respect qui est dû à son employeur). D'abord je suis informaticien grands systèmes, et peu au fait de la technique financière. N'appartenant pas, de plus, à la caste syndicale qui peut se permettre beaucoup de choses impunément, je fais mienne l'idée libérale selon laquelle la liberté d'expression est naturellement limitée par le droit de propriété (et le respect des contrats passés, dont mon contrat de travail). Le slogan publicitaire ancien « si on en parlait ? » ne signifie pas qu'on ne soit pas tenu à une certaine discrétion. Je précise que mes propos n'engagent que moi et ne sont pas contrôlés par mon employeur (même si je fais évidemment attention à ce que j'écris pour ne pas le mettre en difficulté).

La banque repose sur la confiance : il y a le know your customer, et de la même façon le know your employee. Je crois que des formations sur l'éthique, la déontologie ou la responsabilité ne feraient pas de mal à chacun d'entre nous, salariés, employés ou cadres, même ceux qui comme moi ne sont pas en contact avec la clientèle ou les marchés. Chacun manipule plus facilement de l'argent qui ne lui appartient pas que son propre argent. C'est un problème vieux comme le monde, qui existe dans tous les secteurs (économique, politique...), le problème principal-agent.

Par je ne sais quelle inspiration étrange, je m'étais inscrit la semaine dernière, de ma propre initiative, dans le cadre du "DIF" ("Droit Individuel à la Formation", un de nos nombreux zacquissociaux) à une formation "Responsable, mais pas coupable (philosophie de l'éthique)" à l'université Paris 12... (ne voyez aucune allusion malvenue dans le nom de ce séminaire, qui n'est pas destiné aux hommes politiques, bien que certains feraient bien de le suivre). La sécurité informatique, ma spécialité, ne peut se tenir à l'écart des problèmes éthiques sous prétexte que "ce n'est pas de la technique".

En tant que petit actionnaire (comme la plupart des salariés de la banque), j'ai certes perdu de l'argent (virtuellement !) sur les 6 derniers mois... Pour ne pas concrétiser les pertes, en attendant des jours meilleurs, je devrai sans doute laisser passer la sarkozette numéro 2 - le déblocage exceptionnel de la participation avant le 30 juin, sur lequel j'avais un peu compté pour augmenter mon pouvoir d'achat.

Les événements récents me concernent d'autant plus que je m'étais amusé il y a dix ans, inspiré par les déboires du Crédit Lyonnais dans les années 90 (qui, ne l'oublions pas, ont impacté tous les contribuables-actionnaires, puisque le CL de Mr Haberer était sous contrôle de l'Etat), à publier un roman policier où un informaticien de génie perturbait sévèrement une grande banque. Ce roman, appelé d'abord le Tracassin (que j'avais fait passer pour une traduction de l'anglais), a été réécrit par moi avec un titre différent en 2006, et les 21 premiers chapitres sont disponibles ici (s'il y a un éditeur intéressé...). Je ne pensais pas que surviendrait un jour un problème de fraude un peu similaire chez mon propre employeur. Mais il est bien connu que la réalité dépasse la fiction...

Je ne suis pas pessimiste pour l'avenir. Finalement, la direction a bien fait de trancher dans le vif plutôt que de tenter de cacher la vérité (à supposer que ce fût seulement possible). Un rachat à venir de la Socgen par un concurrent, comme nous le promettent certaines gazettes ? Pourquoi pas ? L'employé y perdra peut-être, mais l'actionnaire y gagnera. Attendons de voir la suite des événements. La Socgen a été créée en 1864, elle a donc vécu trois guerres (au moins) et quatre ou cinq régimes politiques différents sur trois siècles. C'est dire si elle a la vie dure... Elle vivra tant qu'elle rendra des services de qualité à ses clients, et de ce point de vue une péripétie malheureuse ne doit pas masquer une réalité positive.