La politique monétaire ("Monetary Policy", Liberty Defined, Ron Paul, 2011)
Traduction Thierry Falissard
J'ai déjà écrit en détail[1] sur les inconvénients et les graves dangers liés à une banque
centrale échappant à tout contrôle − la Réserve fédérale − mais l'argument doit être repris dans toutes les discussions
de politique publique.
Tous les discours sur les dangers de
l’omniprésence de l’Etat et sur la perte de nos libertés ne servent à rien si l’on ne tient pas compte de
l'impact négatif causé par ceux qui sont
chargés de gérer la monnaie. Si l’on évite ce sujet,
volontairement ou non, on sert alors les
intérêts de ceux qui soutiennent l'expansion
de l’assistanat social, et on favorise
indirectement le financement de guerres
iniques et impopulaires.
Le problème est facile à
résumer. La monnaie reposait autrefois sur une
marchandise rare comme l'or ou
l'argent. Elle ne pouvait pas
être fabriquée par le pouvoir. A la fin des XVIIIe et XIXe siècles, il y eut de nombreux débats autour de la First Bank [fondée par le Congrès en 1791] et de la Second Bank [fondée en 1816]. En 1913, le Congrès a créé la Réserve fédérale et
lui a accordé le pouvoir d'imprimer de la monnaie. Cela a permis à l’Etat de
subventionner les guerres et l’assistanat
social, mais cela a aussi généré
une instabilité économique avec des
phases d’expansion et de récession. Chaque fois que
nous avons traversé ces péripéties, le
gouvernement et la Fed ont
davantage sapé le support monétaire du dollar. Depuis
1971, le dollar n'est plus remboursable en quoi que ce soit, si ce n’est en lui-même.
Ce n'est rien qu’un symbole, et il n'y a aucune limite au nombre de dollars que
le pouvoir et la Fed peuvent
créer. Le résultat a été une
expansion incontrôlée de l’appareil d'Etat
et une inflation brutale et durable qui a réduit notre niveau de vie
sans que nous nous en rendions compte.
Jusqu'à ces dernières années, le nombre
d'Américains qui comprenaient les
dangers de cette politique de destruction monétaire était très limité. La plupart des Américains acceptent ce qu'on leur a inculqué pendant des décennies,
et croient que la Réserve fédérale fournit
l'ultime filet de protection pour tout
le monde : pour les banquiers, la finance, les
investisseurs, les entreprises, les salariés, les consommateurs, et tous les autres. La plupart des gens croient
que la Fed est là pour nous tirer
d’embarras face à un excès d'inflation, de récession
ou des taux d'intérêt trop élevés.
On appelait Alan Greenspan le Maestro, on le saluait
comme le génie qui avait la
touche magique et qui pouvait régler avec précision l'économie pour
la faire passer dans une nouvelle ère.
L’instauration de la Fed comme prêteur
de dernier ressort, capable également d’accorder
des facilités de crédit, a massivement encouragé les
investissements injustifiés et l’endettement
excessif. La taille gigantesque
du marché des dérivés − une crise qui
n’est pas encore résolue à ce jour − n'aurait pas
été possible sans la Réserve fédérale et
sans l’aléa moral que ses politiques génèrent. La Fed aurait
dû être mise en cause pour la
plupart de nos problèmes économiques plutôt que créditée pour en fournir la solution.
Les lois et les
réglementations ont ajouté de l'huile sur le
feu des excès spéculatifs, en
particulier dans les dérivés de prêts hypothécaires.
Les keynésiens ont encouragé tout le
monde à faire confiance au filet
de sécurité de la dépense étatique et au crédit facile ouvert par la Réserve fédérale. Cette confiance mal placée, fondée sur de fausses prémisses, a généré, à mon avis,
la plus grosse bulle financière de toute l'histoire.
Par le passé, la
Fed a pu prétendre favoriser les bonnes périodes économiques et remédier aux mauvaises. Mais elle ne pourra
plus s’exonérer de sa responsabilité. Le système
monétaire actuel garantit que les investisseurs et les banques vont repousser toutes les limites et s’engager dans des décisions spéculatives inconsidérées générant une économie de bulle proche de l’éclatement.
Je suis certain
qu’un jour futur les historiens
exprimeront un grand étonnement devant certains concepts imbéciles reconnus
comme sains pendant tant d'années, avant que survienne l'effondrement
actuel. Quelle personne saine
d'esprit conseillerait à un membre de sa famille ou à un ami enfoncé dans les
dettes jusqu’au cou, et sur le
point de perdre sa maison, d'emprunter
encore plus d'argent, de le dépenser et de prendre
autant de nouvelles cartes de crédit que possible ? C’est ridicule.
En outre, on lui dit qu'il n'est pas nécessaire de faire des heures
supplémentaires ni de trouver un second
emploi pour réduire sa dette !
Et pourtant, c'est exactement ce que notre nation a fait − et
au-delà de toute mesure − depuis que la crise a éclaté en 2008. Et les
keynésiens sont toujours surpris et
agacés de voir que l'économie ne
s'est pas rétablie pour autant. Leur réponse continue à être davantage de dépenses, davantage d’emprunts, et un accroissement de
la dette encore plus rapide. Il est difficile de croire que des gens raisonnables puissent être
persuadés de cela. Si un individu ne se porte pas mieux avec davantage de dette
et davantage de dépenses, comment une
nation le pourrait-elle ?
Les keynésiens ont perdu le débat intellectuel. Après l'échec total des formes les plus engagées de la planification économique, qui sont le fascisme et le communisme, l'échec dans le monde entier de la planification économique centrale de type keynésien saute aux yeux. Ils n'ont plus qu'une carte à jouer, qui est d’asséner l'argument selon lequel ceux qui s’opposent à leurs programmes de renflouement (qui ne sont rien de plus que des resucées des programmes à l’origine même de la crise) ne se soucient pas des gens et sont dépourvus de toute compassion. Au lieu de débattre des politiques économiques sous-jacentes, ils ont recours à un traitement démagogique de la question avec des insinuations et de fausses accusations.
Les keynésiens et leurs copains
politiques à Washington sont
prompts à accuser d’insensibilité quiconque
s'oppose aux allocations de chômage illimitées. La question qu'ils ne veulent même pas examiner
est la suivante : que feraient-ils
si on leur démontrait que soutirer
des fonds à l'économie productive
pour subventionner le chômage n’aboutit qu’à prolonger le chômage et à
augmenter le nombre d'emplois
perdus ? En retirant des fonds à ceux qui ont de la peine à
joindre les deux bouts et à essayer de développer leurs entreprises, on affaiblit l'économie.
Ceux qui refusent de s'engager dans le débat intellectuel et d'examiner les conséquences des idées et des politiques actuelles ont recours à la politisation du sujet, en proposant des programmes de redistribution reposant sur une taxation accrue et sur l'inflation, dans le but de se maintenir au pouvoir. Si ce processus n'est pas inversé, une faillite totale nous obligera à envisager un système complètement nouveau.
J’aimerais que le
dollar soit aussi bon que
l'or. J’aimerais que le système
bancaire fonctionne comme il le ferait
en régime de libre entreprise, c’est-à-dire
sans banque centrale. J’aimerais que des
monnaies compétitives émergent sur le marché et soient autorisées à se développer. J'ai fait pression en
ce sens depuis des décennies. Le problème de la transition n'est pas technique. Cela peut très bien se faire. Le problème est
politique. Le papier-monnaie est
une drogue dure et Washington y est
accro. Quelle solution réaliste peut-on proposer ?
Comme Hayek avait l'habitude de dire, nous avons besoin d’une
latitude de choix en matière de
monnaie. Washington devrait arrêter
d’y faire obstacle et laisser émerger spontanément un
autre système fondé sur les choix
humains. Il faudrait pour cela mettre un terme à la répression de la concurrence
monétaire. Je suis certain
qu’avec le temps nous verrons le dollar
supplanté par la concurrence.
·
Hayek, F. A. 2009. Choice in Currency: A Way to
Stop Inflation. Auburn, AL: Mises Institute.
·
Paul, Ron. [1982] 2008. The Case for Gold.
Auburn, AL: Mises Institute.
·
Rothbard, Murray. [1963] 2008. What Has Government
Done to Our Money? Auburn,
AL: Mises Institute.
[1] Voir, par exemple, End the Fed (New York: Grand Central Publishing, 2010); The Case for Gold (Washington, DC: Government Printing Office, 1982;
Auburn, AL: Mises Institute, 2007).
2 commentaires:
Remarquable, merci Thierry pour cette excellente traduction!
Remarquable, merci Thierry pour cette excellente traduction!
Enregistrer un commentaire